Aude Messéan est co-fondatrice du Pari Solidaire en avril 2004 et Présidente Fondatrice du Réseau CoSI, devenu Cohabilis en fusionnant avec le Réseau LIS. Elle a reçu en 2018 les insignes de l’Ordre de Chevalier de la Légion d’honneur en 2018 pour son action en faveur du développement de la cohabitation intergénérationnelle solidaire. Vous trouverez ci-dessous le discours prononcé pour lancer Cohabilis, le 30 septembre 2020, en amont d’une journée de webinaire sur la cohabitation intergénérationnelle solidaire.
“Ce fut bien pour répondre à une catastrophe sanitaire hors du commun et à des besoins essentiels que nous avons décidé de nous lancer dans la création de la première structure de cohabitation intergénérationnelle, en France, d’après un modèle espagnol.
En créant un pont entre les générations, en retissant un tissu de solidarité et de cohésion sociale, ce dispositif “vertueux” pouvait résoudre certains des problèmes sociétaux auxquels nous sommes confrontés depuis trop longtemps.
Pour les seniors, il s’agissait de pallier à la solitude et l’isolement, même quand les personnes ont de la famille, des enfants, des petits- enfants. L’objectif était également d’offrir la possibilité de rester vivre chez soi avec plus de sécurité et parfois un petit complément de revenus. Cela permettait enfin de pallier au problème de paupérisation des femmes, dû à leur petite retraite et à la double peine liée à la mort de leur mari qui les plonge dans la solitude et leur fait perdre du pouvoir d’achat.
Pour les jeunes, il s’agissait de répondre aux problèmes de logement de courtes durées, à faire faire face aux loyers de plus en plus élevés, aux demandes de garanties inaccessibles à la précarité grandissante. Contre toute attente, nous allions également découvrir que la solitude ne concerne pas que les seniors…
16 ans après, cette innovation sociale, la cohabitation intergénérationnelle maintient ses objectifs. Elle repose toujours sur la tolérance et un engagement bénévole et solidaire. Ainsi, le dispositif dont il va être question aujourd’hui n’est pas une prestation de service, qui suppose un prestataire et un client, mais une démarche d’ “entraide”, le mot apparaît d’ailleurs dans la charte du 13 janvier 2020 : “S‘assurer que les engagements réciproques soient motivés par l’entraide et pour concourir au vivre-ensemble“
La cohabitation intergénérationnelle solidaire n’est donc pas un projet LUCRATIF de “rentabilisation de son logement” reposant sur une occurrence d’intérêts légitimée par la réalité du rapport entre l’offre et la demande. Pas d’enrichissement démesuré donc pour les accueillants, même lorsqu’ils souhaitent une contrepartie financière, car celle-ci doit rester “modeste”.
Vous l’avez bien compris, ce n’est pas un gage de profit financier mais bien une plus-value d’humanité, de générosité, de bienveillance qui contribue au mieux-vivre ensemble tout en allégeant la charge financière des deux parties.
En cohérence, les structures qui favorisent ce projet solidaire ne sont pas commerciales, elles sont issues de l’ESS ou du secteur public.
Basé sur la tolérance et l’altruisme, le dispositif ne vise pas à favoriser l’entre-soi. La cohabitation repose d’abord sur le pari de l’engagement et du respect de l’autre dans sa différence. Ceci étant dit, chaque structure membre de Cohabilis prend en compte les attentes de chacun et de chacune tant que celles-ci restent tolérantes et dans le respect de nos valeurs.
Alors, à l’heure où les risques sanitaires, économiques et sociétaux liés à la Covid reviennent, où les inégalités sociales ne cessent de s’amplifier, où certains s’inquiètent des multiples fissures dans le pacte républicain, la cohabitation intergénérationnelle solidaire est un petit morceau d’espérance et de ciel bleu, auquel il faut nous accrocher, qu’il faut structurer et développer sur l’ensemble du territoire. C’est l’ambition de cette journée que de faire un point sur les avancées, de réfléchir aux conditions de son essor, et de se projeter vers de nouvelles solutions.”