La loi ELAN promulguée le 24 novembre 2018 crée le “contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire”. Explications.
La loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dites Loi ELAN, crée le “contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire”. Ce dernier permet de sécuriser la relation entre le jeune et le senior, autrefois liés par une “convention d’occupation temporaire et précaire”. Il consacre un dispositif qui existe depuis 14 ans en France, depuis parfois plus longtemps dans d’autres pays.
Ce succès a été permis par de nombreux acteurs, au premier rang desquels les corps intermédiaires – Réseau CoSI, Uniopss et Union sociale pour l’habitat, CFTC notamment – qui ont agi de concert lors de l’élaboration de la Loi ELAN. Il repose bien sûr sur une volonté politique forte du Ministère de la Cohésion des territoires – en la personne de Julien Denormandie – et du Sénat – en la personne d’Agnès Canayer, laquelle s’était engagée à l’Assemblée Générale du Réseau CoSI au Havre en avril 2017. Le Ministère de la Santé et des solidarités avait également intégré dans sa feuille de route la cohabitation intergénérationnelle en mai 2018. Déjà en 2015, le travail avait été initié par Michèle Delaunay dans le cadre de la Loi d’adaptation de la société au vieillissement (article 17). Le Réseau CoSI salue avec optimisme ce large consensus autour d’un dispositif d’entraide intergénérationnelle.
La cohabitation intergénérationnelle solidaire est intégrée au Code de l’action sociale et des familles et au Code de la construction et de l’habitat. Quelles sont les principales avancées ?
- Définition de la cohabitation intergénérationnelle solidaire
Son objectif est le renforcement du lien social. La solidarité est un aspect nécessaire du dispositif, puisque le terme solidaire est maintenant accolé à cohabitation intergénérationnelle. Le caractère intergénérationnel est précisé : il s’agit de jeune de moins de 30 ans et de senior de plus de 60 ans. Par ailleurs, même si la notion de “mise à disposition” pourrait convenir, les termes de location ou sous-location sont utilisés. Cependant, il s’agit bien de cohabiter, et pas simplement de “loger” : autrement dit, la sous-location ou la location représente un aspect juridique, mais dans les faits, comme nous le verrons ci-dessous, il s’agit surtout de choisir de partager un habitat de manière solidaire, et pas simplement de loger une personne ou louer un logement.
- Le type de contrat et la contrepartie financière modeste
Le contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire supprime tout risque de requalification en bail. Il ne s’agit pas d’un bail. Le contrat ne relève donc pas de loi n°89-462 du 6 juillet 1989. Il est important de rappeler que les associations utilisent une charte qui présente les principes pour vivre ensemble au quotidien et qui sert de support “moral” pour une bonne cohabitation. Le maintien de l’utilisation de ce document, qui n’a pas de valeur contractuelle, est recommandé.
Le contrat suppose une contrepartie financière modeste réglée par le jeune au senior. Pour le parc privé, elle est librement convenue entre les parties. Pour le parc social, la contrepartie est calculée conformément à l’article L.442-8-1 du Code de la construction et de l’Habitat, c’est à dire au prorata du loyer et des charges rapporté à la surface habitable du logement. Dans ce cas, la contrepartie demandée au jeune peut inclure en plus d’une partie loyer, une partie des charges locatives et des abonnements (fluides par exemple).
A noter : aucun plancher ni plafond n’est défini pour la contrepartie financière modeste dans le parc privé. Cette contrepartie peut donc être symbolique, moyennant un temps de présence certains soirs. Le Réseau CoSI interprète modeste comme allant de quasi gratuit à significativement deçà des prix du marché locatif pratiqué au niveau local. Pour exemple, dans le cas où une contrepartie est versée, le montant est en moyenne de 214 € pour les structures du Réseau CoSI en 2016, sachant que le prix moyen oscillerait entre 321€ et 376 €, selon les sources. La contrepartie n’est pas imposable si elle respecte les critères définis dans le Code des impôts (article 35).
- La présence bienveillante et l’aide solidaire du jeune
En complément de cette contrepartie, le jeune peut réaliser ce qui a été qualifié de « menus services ». Sur ce dernier point, il est important de noter que le service peut correspondre à des temps de présence bienveillante et de partage certains soirs de la semaine. C’est ainsi que la cohabitation intergénérationnelle est pratiquée aujourd’hui par les structures. La présence bienveillante est par ailleurs citée dans les motifs de l’amendement (N° 750 rect. bis déposé au Sénat) qui a permis l’inclusion du dispositif dans la loi ELAN. D’autre part, ces menus services ne sauraient remplacer des services habituellement fournis par des structures de services à la personne. L’esprit du dispositif est l’entraide, la solidarité. Aussi la loi prévoit qu’il n’existe aucun lien de subordination, que les menus services sont réalisés sans but lucratif pour aucune des parties, et sans possibilité de requalification en contrat de travail.
- La durée, le préavis et l’accord du propriétaire ou du bailleur social
La durée est librement convenue. Cependant, la possibilité de percevoir des allocations est toujours dépendante d’une durée minimum. Des précisions seront ultérieurement apportées sur ce point. Le préavis est d’un mois.
Dans les cas de sous-location, la cohabitation est mise en place par le senior sans obligation d’accord de la part du propriétaire. Le bailleur social doit simplement être informé. Cependant, pour faciliter la gouvernance du dispositif, les structures mettant en œuvre la cohabitation intergénérationnelle pourront s’engager dans des partenariats avec les bailleurs sociaux volontaires. En effet, le mouvement HLM s’est engagé le 4 avril 2018, dans le cadre du protocole d’accompagnement Etat – Mouvement HLM 2018-2021, à favoriser le maintien à domicile des seniors et à faciliter l’accès au logement social pour les étudiants et les jeunes actifs par une expérimentation de la cohabitation intergénérationnelle dans le parc social.
- Pas de requalification en agents immobiliers et aides au logement
Le risque de poursuite pour exercice illégal du métier d’agent immobilier est supprimé pour les associations œuvrant à la promotion de la cohabitation intergénérationnelle solidaire
Il est désormais possible que le senior et le jeune perçoivent l’allocation d’aide au logement simultanément si leurs conditions le permettent. En effet, la personne sous-locataire est assimilée à un locataire pour le bénéfice de l’allocation de logement. Des précisions devraient être données ultérieurement pour les modalités d’application de cette mesure.
- Charte précisant le cadre général et les modalités pratiques
Il est enfin indiqué qu’une charte de la cohabitation intergénérationnelle solidaire définie par arrêté précisera le cadre général et les modalités pratiques de la cohabitation intergénérationnelle solidaire.
Le Réseau CoSI fédère et outille 26 structures cohabitation intergénérationnelle solidaire. CoSI Expertise accompagne les structures de l’ESS, les bailleurs sociaux et les CCAS à la création et au développement de solutions d’habitat intergénérationnel solidaire.